Birmingham était habituée aux soirées festives, et croiser deux jeunes complètement déchirés en plus nuit était tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Ils ne mirent qu'un quart d'heures environ pour atteindre l'appartement de Styx, qui avait commencé à marcher pieds nus pendant les cinq premières. Ses pieds lui faisaient un mal de chien, et elle se promit de jeter cette foutue paire d'escarpins à la poubelle en rentrant. Elle crut d'abord avoir perdu ses clés; ça lui arrivait fréquemment, et elle se faisait un plaisir d'en réclamer au concierge. Mais il était trois heures du matin passé, et elle ne fut pas sûre qu'il appréciât qu'on le dérange en plein sommeil. Avec un soupir de soulagement, elle les trouva enfin, et les introduisit sans attendre dans la serrure. Elle était rouillée, et il fallait une certaine force pour réussir à pénétrer dans l'appartement. Elle s'acharna dessus pendant quelques secondes et la porte céda dans un grincement particulièrement désagréable. Elle entra, jeta les clés sur le canapé à quelques mètres de la porte et se poussa pour laisser entrer James.

L'appartement n'était pas gigantesque, mais pas minuscule non plus. Le loyer était dans ses moyens, et le propriétaire ne posait pas de questions sur les gens qui rentraient et sortaient sans cesse de chez elle, alors ça lui suffisait. La cuisine, qui était la plus petite des pièces, était certainement la moins meublée. Styx n'était pas le genre de femme à passer sa vie derrière les fourneaux, à concocter de bons petits plats. La chambre était dans les tons noirs et violets, composée d'un simple lit et d'une commode, sur laquelle était fixé un gigantesque miroir. Mais le salon restait la plus belle pièce. Les murs étaient de brique, et le parquet craquait par endroit. Une étagère en bois blanc accueillait toute une collection de vinyles, des Beatles à des groupes plus récents. Une peinture était accrochée au dessus du canapé ; elle représentait une jeune femme d'une vingtaine d'années, penchée sur un balcon, en train de fumer une cigarette. Ses traits étaient doux, mais son regard inexpressif. On aurait pu lui arracher le cœur qu'ils seraient restés identiques. Il s'agissait, sans aucuns doute, de Styx.

« Installe-toi, je reviens. »

Elle prit la direction de la chambre à coucher, dans laquelle elle retira sa robe et la laissa tomber sur la moquette. Elle se dirigea vers la commode et en sortit un t-shirt un peu trop large, qu'elle enfila sans perdre de temps. Devant le miroir, elle contempla son visage. Son maquillage avait coulé par endroit, et le froid se lisait dans ses yeux. Sia détestait son corps, bien trop maigre à son goût, et son visage, qu'elle jugeait trop banal. Elle fit une grimace, secoua ses cheveux en soupirant et rejoignit James d'un pas moins traînant que d'habitude.